dimanche 2 mars 2008

Maïssa Bey : Surtout ne te retourne pas (Roman) - Éditions de l'Aube, La Tour d'Aigues, 2004

Maïssa Bey : Surtout ne te retourne pasUn séisme à double sens

Ce roman m'a dérouté, un bout de temps. Il m'a fallu m'y adapter et laisser de côté les idées préconçues. Dès lors, la magie a opéré et j'ai rencontré l'univers de Maïssa Bey.

C'est l'histoire fascinante d'Amina qui décide, à l'occasion du séisme du 21 mai 2003, de disparaître de son foyer et ainsi devient totalement amnésique et se reconstruit une identité et une vie parmi les sinistrés.

Amina, devenue Wahida va se lier avec des femmes qui ont toutes une très forte personnalité, à commencer par Dadda Aïcha qui lui sert très rapidement de grand-mère. C'est autour de cette dernière et de Wahida/Amina que Maïssa Bey dresse le portrait de ces femmes courageuses qui ne s'en laissent pas conter et qui sont les premières à prendre possession du camp de réfugiés et à l'organiser. On reconnaît bien là la patte de l'auteure qui plutôt que d'avoir un discours misérabiliste sur les femmes algériennes, préfère les montrer comme elles sont en réalité : des femmes déterminées et combatives.

Je ne dévoile pas la fin de ce merveilleux roman pour ne pas en enlever la force. Il suffit juste de savoir qu'elle ne nous délivrera pas totalement du mystère. Le dénouement est bouleversant...

L'écriture est comme d'habitude précise, au service des personnages. Malgré le sujet, la lecture est plaisante et on se surprend à sourire à plusieurs reprises. C'est dire que l'humour n'est pas absent.

J'ai beaucoup apprécié la façon dont Maïssa Bey nous fait prendre conscience du poids de la tradition concernant ces femmes. En même temps, l'auteure parvient formidablement à nous convaincre qu'il faut rester optimiste quant à leur sort. C'est donc aussi un roman d'espoir pour l'Algérie. De ce point de vue, le rôle de la vieille Dadda Aïcha, femme sans âge, est fondamental puisqu'elle représente à la fois la tradition et aide au combat des femmes plus jeunes pour exister dans un monde machiste. Le symbole le plus fort étant sans doute sa détermination à faire que Nadia, une jeune fille sinistrée, puisse continuer ses études.

Ce véritable séisme, naturel et personnel pour Amina/Wahida, décrit d'une façon très réaliste, est l'occasion pour Maïssa Bey de passer en revue des problèmes de première importance pour la société algérienne : l'islamisme, la mauvaise gestion de la catastrophe, les hommes et le poids des traditions, la place des femmes au quotidien, la famille, etc...

Et si l'avenir de l'Algérie passait par les femmes !...

Yahia

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